Comme les joueurs, les rétroanalystes examinent la structure des Pions, c’est-à-dire la disposition des Pions sur l’échiquier.

Le joueur et le rétroanalyste

Le joueur utilise les résultats obtenus pour élaborer sa stratégie, le rétroanalyste pour explorer le passé.

Chaque caractéristique du Pion est vue sous un jour différent. Par exemple :

• Le Pion ne peut pas reculer. Pour le joueur, avancer ses Pions c’est se créer des cases « faibles », c’est-à-dire des cases qui ne pourront plus être défendues par aucun Pion. Pour le rétroanalyste, il est possible de connaître assez précisément le nombre de coups joués par un Pion, c’est-à-dire le passé de ce Pion

• Le Pion capture en « diagonale ». Pour le joueur, une prise par Pion peut ouvrir une colonne et donner des Pions doublés. Pour le rétroanalyste, l’existence de Pions doublés peut permettre de connaître l’auteur et le lieu d’une capture

• Le Pion peut être promu. Pour le joueur, le Pion devient une pièce importante en fin de partie parce qu’il peut être changé en Dame. Le rétroanalyste ne doit jamais oublier qu’une position a pu naître grâce à la promotion d’un Pion.

Le joueur comme le rétroanalyste considèrent que les Pions constituent le squelette de la position : majorité et minorité de Pions, Pions isolés, passés, disloqués, doublés pour le joueur ; localisation des captures, passages, cages, loges pour le rétroanalyste.

Pourquoi prendre en considération la structure des Pions dans le domaine du problème rétro ?

Le compositeur de problèmes « rétro » crée des positions dont le rétrojeu ne doit pas, le plus souvent, être trop fourni. Il doit y avoir des étranglements de l’arbre de jeu. Il y parvient efficacement en utilisant les ressources de la pièce la moins mobile du jeu, le Pion. Grâce à la rigidité de la marche du Pion, il parvient à obtenir des positions contraintes.

Le compositeur exploite une particularité du Pion : celle de « mettre des captures en réserve ». Si des Pions ont nécessairement joué des coups de capture, les autres pièces ne pourront pas jouer n’importe quelles rétrocaptures .

Au début d’une partie, les Pions de chaque camp forment un rideau de Pions qui gêne les autres pièces dans leurs mouvements. Le développement des pièces est empêché. Inversement le recul prématuré des Pions dans le rétrojeu peut gêner le retour des pièces sur leur case d’origine.

Illustrations

Diagramme A

Diagramme A : Six Pions blancs se trouvent sur la même colonne. D’où vient chaque Pion ? On commence par faire reculer le Pion de « h3 » à « g2 ». En raison de la présence du Pion blanc « h2 », c’est la seule case de laquelle il a pu venir. On peut maintenant faire reculer le Pion « h4 » ; on voit qu’il est forcément venu de « f2 » en capturant deux fois en raison de la présence des Pions « g2 » et « h2 ». On en déduit aussi que les figures blanches n’ont capturé aucune pièce.

Diagramme B

Diagramme B : La position est-elle légale ? Autrement dit, comment cette position a-t-elle été obtenue depuis la position de début de partie ?

Les traces du passé que repère le rétroanalyste sont les Pions doublés. Ces arrangements de Pions n’ont pu apparaître que par des coups de capture des Pions *e2 et *b7 (e×f3 et b×a6).

Or, deux pièces ont été capturées : les deux Fous jouant sur cases blanches. On en déduit que le Fou noir a été capturé en « f3 » et le Fou blanc en « a6 ». Ces pièces étaient gênées chacune par deux Pions du rideau de Pions au début de la partie. Il a fallu leur ouvrir un passage.

C’est si l’on veut ranger ces événements dans le temps que l’on constate l’illégalité de la position du Diagramme B. En effet, pour ouvrir la route au Fou blanc, il faut capturer le Fou noir. Et pour capturer le Fou noir en « f3 », il faut ouvrir la route au Fou noir en amenant le Fou blanc en « a6 »... L’histoire ne peut jamais commencer.